À l’aube d’une nouvelle année, celle qui se termine suscite quelques réflexions sur la devise de notre République qui est moins respectée que contournée.

La Liberté d’abord. Liberté de penser, de croire et de s’exprimer, de circuler et de posséder, de se taire ou de chanter.  Nous les chérissons toutes, ces libertés, mais les respectons-nous ? Rappelons aussi que les libertés exercées par tout un chacun ont une limite imprescriptible : ne jamais enfreindre les libertés d’autrui.

Ces dernières semaines ont vu cette limite souvent frôlée et parfois dépassée. La liberté de manifester et de faire grève est incontournable. Mais dans quelles limites ? Quand la grève dans les services publics interrompt la fourniture d’électricité, elle devient illégitime. Quand celle des transports publics rend difficile voire impossible à des centaines de milliers de salariés de se rendre à leur travail, des semaines durant, pour gagner leur vie, ou à d’autres centaines de milliers de citoyens d’aller faire leurs achats, privant ainsi des commerçants de leur gagne-pain et les conduisant parfois à la faillite, les responsables de ces mouvements doivent s’interroger sur la légitimité de la poursuite de leurs actions quand ils privent de libertés tout aussi fondamentales des millions de leurs concitoyens.

Qu’en est-il de l’Égalité ? Notre système de retraites est tout sauf équitable. Les salariés de certains services publics et de quelques uns des régimes spéciaux bénéficient d’un emploi à vie et d’une retraite à un âge de départ et un niveau de pension avantageux, souvent supérieurs au régime des salariés du secteur privé et des travailleurs indépendants. Alors quand certains grévistes proclament qu’ils veulent forcer le gouvernement à retirer son projet de réforme, se rendent-ils compte qu’ils semblent vouloir interdire aux catégories les plus défavorisées de bénéficier d’une retraite ?

Le Premier Ministre a reconnu que deux catégories de la population étaient défavorisées, les femmes – rien moins que la moitié de la population – et les agriculteurs. Il a promis d’y remédier. Une troisième catégorie est tombée dans l’oubli : les travailleurs immigrés. Arrivés – et souvent appelés – en France à l’âge adulte, la plupart n’a pas suffisamment contribué (tout comme les femmes) pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Notre ensemble de systèmes de retraite par répartition est, en outre, financièrement insoutenable. Dans beaucoup de régimes spéciaux, le nombre des actifs devient égal ou inférieur à celui des retraités, en raison notamment de l’allongement de l’espérance de vie de sorte que les contributions des uns ne peuvent plus financer les retraites des autres. Le déficit de ces régimes est alors comblé par le contribuable, sans la moindre transparence, aggravant l’ensemble du déficit public.

Le gouvernement s’efforce à juste titre de réformer ce système complexe, inéquitable et financièrement insoutenable. Il s’agit des travaux d’Hercule, qui menacent, sous le coup des grèves, de se transformer en Rocher de Sisyphe. Car ceux qui bénéficient des régimes les plus favorables s’accrochent à leurs privilèges, poussant l’hypocrisie – selon tel responsable syndical – jusqu’à rendre le gouvernement responsable des grèves ! Dernière contrainte et non des moindres : le gouvernement ne doit à aucun prix dresser les Français les uns contre les autres. Par l’explication en permanence, le dialogue et la conciliation, il doit nous amener tous ensemble à construire ce nouveau système de retraite, solidaire et financièrement soutenable.

C’est ici que s’impose le troisième terme de notre devise républicaine, la Fraternité.

Ce terme est lourd de sens et d’obligations. Il implique la solidarité, le soutien et l’accueil des autres, des chômeurs, des malades, des personnes âgées isolées, comme de « la veuve, de l’orphelin et de l’étranger » selon les termes mêmes de nos Écritures.

Des trois termes de notre si belle devise républicaine, c’est celui qui, par calcul, insouciance, inadvertance ou indifférence, est le moins souvent respecté et mis en œuvre. Or la Fraternité signifie, en toute circonstance, la Solidarité, la Considération, l’Altruisme, l’Amour de son prochain.

Des générations précédentes ont eu leur Abbé Pierre ou leur Coluche. Qui sera aujourd’hui le porte-parole des sans-voix, des oubliés, des laissés-pour-compte… Peut-être une femme, issue de l’immigration, qui chantera et éveillera « nos cœurs de pierre pour les transformer en cœurs de chair » ?

Il nous appartient à nous tous qui sommes enfants d’Abraham, frères et sœurs appartenant tous à la même famille humaine, de manifester toujours et partout notre solidarité à tous ceux qui sont dans le manque de biens ou de services matériels, mais aussi d’attention, de sollicitude, de soins et de tendresse.

Œuvrons tous ensemble pour rendre notre société plus altruiste et plus Fraternelle.

Ce sont les vœux que nous adressons à tous nos frères et sœurs en Abraham.

Bonnes fêtes de Hanouka (du 23 au 30 décembre) et de la Nativité (25 décembre) aux enfants d’Abraham qui sont juifs et chrétiens. Ces deux fêtes célèbrent la Lumière.

Edmond A. Lisle
Président, Fraternité d’Abraham
25-29 décembre 2019

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