En ce premier mois de 2018 relisons nos inquiétudes et nos espoirs de janvier 2017 et tentons d’évaluer ce qui a changé pour le meilleur et le pire.

Nous évoquions d’abord « l’image emblématique de Jérusalem qui enlumine notre page » et nous pensions d’abord « aux pays du Proche-Orient, Syrie et Irak surtout ravagés par les guerres avec leurs centaines de milliers de victimes et millions d e personnes déplacées ».

En Europe, notre « Maison Commune », nous étions sous le coup du referendum britannique sur la sortie de l’UE – Brexit- et sous la menace de la montée des populismes xénophobes dans plusieurs pays européens, à commencer par le nôtre.

Dans le reste du monde, nous soulignions le rôle des trois membres permanents les plus influents du Conseil de Sécurité des Nations Unies : l’influence croissante de la Chine sur la scène mondiale ; l’aspiration de la Russie à retrouver sa place de grande puissance ; l’incertitude suivant l’élection du nouveau Président des Etats Unis, au comportement imprévisible.

Qu’en est-il un an plus tard ?

En Asie, un nouveau point chaud a émergé : la Corée du Nord développe avec succès son arsenal nucléaire, avec des lanceurs balistiques capables d’atteindre les Etats Unis, ce qui provoque l’inquiétude chez ses proches voisins et la fureur du nouveau Président des Etats Unis. La perspective d’un conflit nucléaire se dessine aux conséquences incalculables, avec néanmoins un petit espoir de désescalade: la participation de la Corée du Nord aux jeux olympiques d’hiver en Corée du Sud. Est-il possible d’espérer que ce premier pas soit le début d’un long chemin semé de difficultés vers la réunification des deux Corées, engagé par les deux parties prenantes? Mais qu’en diraient leurs protecteurs respectifs, Chine et Etats Unis, sans compter leurs voisins immédiats, Japon et Russie ?

Les conflits au Proche et Moyen-Orient, loin de s’apaiser, s’aggravent. Si Daech, le « nouveau Califat » islamiste, semble vaincu en Irak et en Syrie, il diffuse sa menace terroriste beaucoup plus largement au-delà de la région, notamment en Afrique – Libye et Sahel – au Yemen et en Europe.

L’Iran cherche à étendre son influence en soutenant le régime syrien d’Assad et créer un « arc chiite » de l’Iran jusqu’à la mer tout en renforçant son bras armé le Hezbollah avec trois objectifs : soutenir le régime syrien d’Assad, dominer le Liban et renforcer son potentiel — en particulier contre Israël, que le Guide Suprême Khameini et le Président Rohani considèrent toujours comme « illégitime » et qu’ils veulent anéantir. La position de l’Iran a pour effet de conforter la politique sécuritaire du gouvernement israélien. Qui se souvient que jusqu’à la « révolution islamique » de l’ayatollah Khomeini en 1979 l’Iran – l’ancienne Perse – était l’allié le plus sûr d’Israël dans la région ?

Poutine a profité de la faiblesse de la politique américaine sous Obama dans la région (non-respect des « lignes rouges » définies par ce dernier face aux bombardements aux armes chimiques d’Assad contre ses opposants). Il a engagé la Russie militairement pour sauver le régime d’Assad et vise maintenant à l’imposer comme acteur incontournable dans la région, retrouvant le rôle qu’elle avait joué au temps des Czars et sous l’Union Soviétique.

La Turquie enfin veut aussi exercer à nouveau le rôle joué par l’Empire ottoman au moins sur ses frontières méridionale et orientale et notamment pour contrer définitivement l’aspiration du peuple kurde à se constituer enfin en Etat. Cet Etat se constituerait, il faut le reconnaître, aux dépens de la Syrie et de l’Irak où les Kurdes se sont révélés les plus vaillants et efficaces adversaires de Daech et il compromettrait l’unité de la Turquie.

Quant au conflit Israël-Palestine il en est toujours au point mort. Nous ne pouvons que reprendre ici ce que disait Ban Ki-Moon le Secrétaire général sortant des Nations Unies devant le Conseil de Sécurité le 18 décembre 2016 :

Il est possible de sortir de cette impasse si les deux parties appliquent les recommandations du rapport récent du Quatuor pour le Moyen-Orient.

Mais il y a des obstacles importants. Les activités de colonies de peuplement menées par Israël au-delà de la frontière de 1967 sont en violation flagrante du droit international et de la quatrième Convention de Genève. Le Secrétaire général a demandé aux législateurs de bien vouloir reconsidérer un projet de loi qui régulariserait plus d’une cinquantaine d’avant-postes et des milliers de logements construits sur des terres palestiniennes privées en Cisjordanie.

Le Secrétaire général a recommandé qu’Israël prenne des mesures fortes pour autonomiser l’Autorité palestinienne, ce qui profiterait au peuple palestinien et augmenterait la sécurité israélienne. De leur côté, les Palestiniens doivent aussi prendre des mesures courageuses et concrètes pour combattre l’incitation à la violence.

Les actions et les déclarations qui glorifient la terreur sont inacceptables, a martelé M. Ban. Il a dénoncé la pratique de la détention administrative et les mauvais traitements en détention, de même que la restriction de la liberté d’expression par les autorités israéliennes et palestiniennes. Il a également condamné les exécutions de prisonniers par le Hamas à Gaza.

Ensuite, l’absence d’unité palestinienne à travers les territoires occupés présente un obstacle à la solution des deux États. Le Secrétaire général a regretté que des élections générales palestiniennes n’aient pu être organisées. Il faut renouveler la légitimité démocratique du leadership palestinien et des institutions palestiniennes et s’assurer qu’elles représentent tous les Palestiniens, a-t-il exhorté. Le Hamas doit renoncer une fois pour toutes à la violence et reconnaître le droit d’exister d’Israël.
Seul changement majeur dans le monde depuis janvier 2017 et qui est source d’espoir, les changements en Europe.

Si les négociations sur le Brexit se poursuivent, avec la perspective d’une sortie « douce » et le développement d’une coopération renforcée en matière de défense entre le Royaume Uni et l’Union Européenne, on peut espérer aussi une relance de l’UE à 27 membres, sous l’impulsion d’une entente franco-allemande plus étroite grâce à l’élection du Président Macron en France et de la composition d’un gouvernement de coalition CDU/CSU en Allemagne.

Une UE plus forte économiquement et plus unie politiquement pourrait peser de manière décisive au Proche-Orient. Elle s’y emploierait en soutenant mais aussi en tempérant l’action des Etats Unis qui, sous leur nouveau Président, interviennent déjà dans la région d’une part pour contrer la volonté hégémonique de l’Iran – et aussi bloquer l’expansionnisme russe et turc – d’autre part pour régler définitivement le conflit Israël-Palestine.

Nous pouvons reprendre notre conclusion de janvier 2017 en l’actualisant.

Le successeur de Ban Ki Moon aux Nations Unies, Antonio Gutteres, nous invitait tous fin 2016, à œuvrer pour la paix :

Tout ce que nous valorisons en tant que famille humaine – la dignité et l’espoir, le progrès et la prospérité – dépend de la paix ». « Mais la paix dépend de nous. Engagez-vous à mes côtés au service de la paix, jour après jour. Faisons de 2017 une année pour la paix. »

La même remarque vaut pour 2018.

« Faisons de 2017 l’année où nous tous – citoyens, gouvernements et dirigeants – aurons tout fait pour surmonter nos différences…. De la solidarité et la compassion dans notre vie quotidienne, au dialogue et au respect quels que soient les clivages politiques… Des cessez-le-feu sur le champ de bataille aux compromis à la table des négociations. »

Ici encore les mêmes propos valent pour 2018.

Amis de la Fraternité d’Abraham, poursuivons nos efforts pour promouvoir la paix dans nos murs, chez nos cousins du Proche-Orient, et construire cette Euro-Méditerranée, zone de commerce et d‘échanges, de prospérité et de paix.

Tel sera l’objet notamment de notre nouveau programme de conférences sur « La Méditerranée – berceau et devenir de l’Europe ». Une meilleure connaissance de notre histoire et de nos origines communes est une condition indispensable à la réconciliation entre les peuples et à la construction ensemble d’un avenir fraternel et solidaire.

« Que la paix règne dans tes murs, l’apaisement dans tes maisons » Ps. 122, 7

Bonne Année

Edmond Lisle
Président, Fraternité d’Abraham
24 janvier 2018

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