Chers amis,

Un grand merci d’abord pour les contributions très riches qui ont déjà nourri ce journal des confinés. A mon tour je viens vous faire partager quelques réflexions inspirées par cette grave crise que nous vivons depuis fin janvier.

Un événement inattendu et quasi imprévisible

Aucun savant n’avait entendu parler de ce Coronavirus 2019 il y a 6 mois. La surprise a été totale et sa contagiosité prodigieuse a surpris les plus grands spécialistes. D’où une première remarque: évitons d’accuser trop facilement tel pays ou tel gouvernement d’incurie ou d’incompétence. Essayons d’admettre qu’au 21 e siècle nous sommes beaucoup plus vulnérables que nous le croyions. D’ailleurs, réalisons-nous qu’en accumulant depuis des années des armes de destruction massive thermos-nucléaires, biologiques et chimiques, nous risquons un jour un réveil encore plus dramatique ?

L’expérience du confinement

Heureusement ce virus ne tue qu’environ 5 % des malades contaminés, principalement des hommes âgés de plus de 75 ans. Le mode de transmission étant assez bien connu, les gestes barrière et le confinement modéré ont sauvé des dizaines de milliers de vie en France et en Europe, là où les dirigeants ont su faire taire leur arrogance et leur obsession de la croissance économique. Remercions l’extraordinaire coalition de médecins, d’infirmières, d’aide soignants et d’hommes politiques qui nous ont largement protégés sans pouvoir malheureusement éviter la mort de plus de 25 .000 personnes à l’heure où je vous écris et de grandes souffrances.

Des millions de nos compatriotes se sont retrouvés confinés chez eux, seuls ou en famille, condamnés au télétravail ou à l’ennui. Parfois cependant les familles ont expérimenté un approfondissement de leurs relations personnelles et affectives.

Ici, dans ma communauté de 14 prêtres retraités, nous avons la chance de pouvoir sortir, avec les attestations dérogatoires, faire nos courses et un peu d’exercice physique. La messe quotidienne concélébrée suivie d’un déjeuner en commun nous a permis depuis le 17 mars de garder un certain équilibre, de rester, à ce jour, asymptomatiques et d’approfondir nos relations fraternelles. A côté un EPHAD appelé maison « Marie Thérèse », comprenant 128 résidents, prêtres et laïcs, déplore, malgré les efforts du personnel, 19 décès par le Covid 19, depuis le 14 mars.

Quel sens donner à ce drame ?

Pour nous, fils d’Abraham, qui croyons en un Dieu Bon qui veille sur nous, la question est très embarrassante. Le psaume 93 nous alerte cependant sur la tentation perpétuelle de l’homme d’oublier Dieu

« Ils disent: »Le Seigneur ne voit pas,
le Dieu de Jacob ne sait pas! »
Sachez-le, esprits vraiment stupides;
insensés, comprenez-vous un jour?

Lui qui forma l’oreille, il n’entendrait pas?
il a façonné l’oeil, et il ne verrait pas?
il a puni des peuples et ne châtierait plus? v10

Devons-nous en conclure, comme certains, que cette crise sanitaire est une punition divine? Les pasteurs de l’Église catholique se sont abstenus d’un tel jugement qui serait trop injuste pour des millions de croyants et de personnes de bonne volonté.

Mais la plupart pensent que cette lourde épreuve est un rappel de la situation fondamentale de l’homme créé à l’image de Dieu et qui ne peut construire durablement une société en ignorant volontairement le don de la Création et l’Amour sauveur manifesté par les prophètes authentiques depuis Abraham, jusqu’au Fils Bien Aimé, Jésus, le Christ.

L’appel à la solidarité et au partage

Très clairement depuis le début de la pandémie, un appel très grand à la solidarité entre tous les français a été entendu à divers degrés. Les héros de celle- ci sont d’abord les soignants acclamés chaque soir depuis les fenêtres pour leur dévouement et leur courage qui va parfois jusqu’au sacrifice de leur vie.

D’autres, plus discrètement, nuit et jour, assurent le ravitaillement en vivres et médicaments de la population. Ces aspects bien mis en valeur par les media sont maintenant connus du grand public.

Et après ?

Quand le déconfinement progressif sera total sur tout le territoire, faudra-t- il se précipiter pour faire tout comme avant ?

Certes, l’urgence sera d’abord de pallier la grave crise sociale qui ne manquera pas de se produire. Mais il faudra voir plus loin. De nombreuses voix autorisées commencent déjà à proposer d’autres modèles de développement plus respectueux de la nature et plus soucieux de justice sociale et surtout libérés de l’obsession de la rentabilité à tout prix et de la loi du profit maximum.

Les fils d’Abraham en raison de leur magnifique patrimoine éthique et spirituel ne peuvent se désintéresser de cet immense chantier et du grand défi que cette terrible crise leur aura lancé.

Pascal Roux,
Vice Président de la Fraternité d’Abraham

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