J’ai entendu que la Présidente de la Commission européenne et d’autres Européens convaincus ont souligné qu’il fallait surmonter une certaine forme d’égoïsme national.

Nous avons un besoin énorme de l’Europe, pour les aspects sanitaires bien sûr mais surtout pour surmonter la crise économique qui nous attend, pour réagir aux excès de la mondialisation (je dis bien excès car nous ne sortirons pas de l’immense village qu’est devenu le monde). Il nous faut donc éviter les critiques excessives de cet instrument indispensable et de trop lire ou écouter tous ceux qui utilisent la situation pour soutenir leurs thèses traditionnelles, en particulier des thèses par trop nationalistes ! Les décideurs, qu’ils soient politiques, économiques, « capitalistes », pouvaient-ils prévoir par exemple quels seraient les conséquences de la « délocalisation », non seulement pour les questions sanitaires mais aussi pour les autres activités ?

Les questions sanitaires sont criantes dans ce domaine car les soins sont tout à fait primordiaux ; les conséquences économiques le sont moins mais elles sont aussi graves. Cela demande donc que ces décideurs réfléchissent ; et encore une fois nous avons besoin d’une Europe forte compte tenu des relations Chine-Etats-Unis non apaisées dans la crise (comme on le voit au fait que les deux ont empêché une décision du Conseil de Sécurité de l’ONU, ce qui a provoqué une réaction de l’immense majorité de l’Assemblée générale de l’ONU).

Pouvons-nous alors trouver dans nos textes des aides ? Les prophètes d’Israël ont souvent crié contre les dérives de la société, en particulier lorsque celle-ci s’éloignait des lois éthiques de la Torah. En de nombreux points de la Torah on souligne qu’il faut aider les faibles (étrangers, veuves et orphelins … dans cet ordre). Je ne connais pas pour l’essentiel ce que les textes des autres monothéismes disent dans ce domaine ; mais je suis sûr qu’on peut trouver l’équivalent. Quels sont les aspects de la politique nationale, européenne et internationale qui pourraient être influencées par les valeurs religieuses ? Rappelons-nous que les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen se sont appuyés sur les valeurs juives et chrétiennes (les valeurs de l’Islam étant inconnues en Europe à l’époque) et ont présenté cette Déclaration sur le modèle de ce que les chrétiens appellent Dix Commandements et les juifs Dix Paroles. Et cette Déclaration réagissait contre les puissants de l’époque, y compris certaines autorités religieuses, qui n’appliquaient nullement les principes ! Je me rappelle que lorsque Mme Thatcher avait été invitée à la célébration du bicentenaire de la Révolution elle avait dit en substance (j’atténue le style !!) « Les Français nous ennuient avec leur Révolution ; les valeurs de la Révolution étaient les valeurs judéo-chrétiennes ». Elle n’avait pas tort … sauf que, si les dirigeants avaient réellement appliqué ces valeurs, la Révolution n’aurait pas été nécessaire !!

Pouvons-nous retrouver l’inspiration des rédacteurs de la Déclaration pour faire face aux dérives graves de notre société ? La Fraternité d’Abraham peut-elle y contribuer ?

En ce jour du 9 avril 2020 où les Juifs célèbrent le premier jour de la fête de Pessah, de la sortie de l’esclavage d’Egypte, où les chrétiens célèbrent le Jeudi saint et se préparent à célébrer la Résurrection de Jésus, où, dans quelques jours, les musulmans vont entrer dans le mois sacré du Ramadan, réfléchissons à ce que ces valeurs communes à nos trois monothéismes et au-delà doivent nous inspirer, à ce que nous devrons faire lorsque, sortis du confinement où nous sommes unis à nos sœurs et frères par la seule pensée, nous pourrons les retrouver totalement.

Jean-François Lévy

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