Cet article a été écrit antérieurement aux massacres perpétrés à la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption de Nice le 29 octobre 2020.

L’assassinat de Samuel Paty a provoqué de nombreuses réactions dont on doit se féliciter. Et diverses actions ont été décidées. Les pouvoirs publics ont engagé de nouvelles réflexions sur les questions régaliennes, dont la sécurité. Les autorités musulmanes ont publié des déclarations fortes et des messages ont été envoyés aux imams en leur proposant des thèmes pour leurs sermons du vendredi et beaucoup ont été marquants.

Mais ces actes essentiels suffisent-ils ? Nous, Fraternité d’Abraham, association inter-religieuse laïque, avons-nous un rôle à jouer face à tous les récents événements survenus en France ? Nos compatriotes de toutes religions ou athées ont-ils connaissance de tous ces actes d’institutions publiques ou privées ? Et avons-nous vis-à-vis de l’Islam et des musulmans un message à faire passer ?

Beaucoup de non-musulmans entendent ce que contiennent ces actes. Mais cela change-t-il leur façon de voir ce qu’est l’Islam, souvent négative malheureusement. Et il y a une tendance à généraliser en faisant le lien entre les criminels et le groupe dont ils sont originaires ou les textes dont ils se réclament. Après l’horrible assassinat de Samuel Paty, on a vu et lu des gens qui, se basant sur le fait que l’assassin était un réfugié tchétchène, ont critiqué la politique gouvernementale d’accueil des réfugiés tchétchènes alors que ce sont des victimes de persécution en Russie qu’il nous faut accueillir.

Beaucoup de non-musulmans ne connaissent du Coran que les versets sur lesquels s’appuient les extrémistes pour justifier leurs exactions et en déduisent que l’Islam est une religion de violence et que les musulmans qui disent le contraire ne sont pas sincères ! Après tout la Torah répète trois fois le commandement « œil pour œil, dent pour dent » et c’est donc une règle essentielle. Si on le lit à la lettre la Torah apparaît comme un texte violent. Mais les sages juifs lui ont donné une interprétation économique. Ne doit-on pas en faire autant avec les textes violents du Coran, comme le font nombre de musulmans aujourd’hui ?

L’éducation à la laïcité, à l’esprit critique, qu’apportent les divers modes d’éducation (formelle, non formelle) est-elle suffisante pour la population française qui partage les préjugés qui viennent d’être exprimés ?

Par ailleurs cette attitude ainsi que certaines réglementations mal comprises conduisent nombre de musulmans – et en particulier des jeunes – à penser que les autres Français ne les considèrent pas comme des citoyens français comme eux-mêmes.  Et cela risque de les éloigner de ce qu’est notre République. Nous aimons à promouvoir le « vivre ensemble » mais certains de ces jeunes ont le sentiment que nous ne jouons pas le jeu. Ce n’est pas en quelques mois que l’on pourra surmonter ces problèmes. Mais il faut s’y attaquer si on veut éviter que nombre de nos compatriotes ne se sentent pas à l’aise dans notre République.

Jean-François Lévy
Membre du comité directeur de la Fraternité d’Abraham

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