Le terrorisme religieux et international

Malheureusement, la paix est encore trop souvent blessée. Elle l’est dans de nombreuses parties du monde, où font rage des conflits de diverses sortes. Elle l’est aussi ici en Europe, où des tensions ne cessent pas. Que de douleur et combien de morts encore sur ce continent, qui aspire à la paix, mais pourtant retombe facilement dans les tentations d’autrefois! Pour cela, l’œuvre du Conseil de l’Europe dans la recherche d’une solution politique aux crises en cours est importante et encourageante.

Mais la paix est aussi mise à l’épreuve par d’autres formes de conflit, tels que le terrorisme religieux et international, qui nourrit un profond mépris pour la vie humaine et fauche sans discernement des victimes innocentes. Ce phénomène est malheureusement très souvent alimenté par un trafic d’armes en toute tranquillité. L’Église considère que « la course aux armements est une plaie extrêmement grave de l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable ». La paix est violée aussi par le trafic des êtres humains, qui est le nouvel esclavage de notre temps et qui transforme les personnes en marchandises d’échange, privant les victimes de toute dignité. Assez souvent, nous notons également comment ces phénomènes sont liés entre eux. Le Conseil de l’Europe, à travers ses Commissions et ses Groupes d’Experts, exerce un rôle important et significatif dans le combat contre ces formes d’inhumanité.

Cependant, la paix n’est pas la simple absence de guerres, de conflits et de tensions. Dans la vision chrétienne, elle est, en même temps, don de Dieu et fruit de l’action libre et raisonnable de l’homme qui entend poursuivre le bien commun dans la vérité et dans l’amour. « Cet ordre rationnel et moral s’appuie précisément sur la décision de la conscience des êtres humains à la recherche de l’harmonie dans leurs rapports réciproques, dans le respect de la justice pour tous ».

Comment donc poursuivre l’objectif ambitieux de la paix?

Le chemin choisi par le Conseil de l’Europe est avant tout celui de la promotion des droits humains, auxquels est lié le développement de la démocratie et de l’État de droit. C’est un travail particulièrement précieux, avec d’importantes implications éthiques et sociales, puisque d’une juste conception de ces termes et d’une réflexion constante sur eux dépendent le développement de nos sociétés, leur cohabitation pacifique et leur avenir. Cette recherche est l’une des plus grandes contributions que l’Europe a offerte et offre encore au monde entier.

C’est pourquoi, en cette enceinte, je ressens le devoir de rappeler l’importance de l’apport et de la responsabilité de l’Europe dans le développement culturel de l’humanité. Je voudrais le faire en partant d’une image que j’emprunte à un poète italien du XXe siècle, Clemente Rebora, qui, dans l’une de ses poésies, décrit un peuplier, avec ses branches
élevées vers le ciel et agitées par le vent, son tronc solide et ferme, ainsi que ses racines profondes qui s’enfoncent dans la terre. En un certain sens, nous pouvons penser à l’Europe à la lumière de cette image.

Au cours de son histoire, elle a toujours tendu vers le haut, vers des objectifs nouveaux et ambitieux, animée par un désir insatiable de connaissance, de développement, de progrès, de paix et d’unité. Mais l’élévation de la pensée, de la culture, des découvertes scientifiques est possible seulement à cause de la solidité du tronc et de la profondeur des racines qui l’alimentent. Si les racines se perdent, lentement le tronc se vide et meurt et les branches – autrefois vigoureuses et droites – se plient vers la terre et tombent. Ici, se trouve peut-être l’un des paradoxes les plus incompréhensibles pour une mentalité scientifique qui s’isole: pour marcher vers l’avenir, il faut le passé, de profondes racines sont nécessaires et il faut aussi le courage de ne pas se cacher face au présent et à ses défis. Il faut de la mémoire, du courage, une utopie saine et humaine.

D’autre part – fait observer Rebora – « le tronc s’enfonce là où il y a davantage de vrai ». Les racines s’alimentent de la vérité, qui constitue la nourriture, la sève vitale de n’importe quelle société qui désire être vraiment libre, humaine et solidaire. En outre, la véritéfait appel à la conscience, qui est irréductible aux conditionnements, et pour cela est capable de connaître sa propre dignité et de s’ouvrir à l’absolu, en devenant source des choix fondamentaux guidés par la recherche du bien pour les autres et pour soi et lieu d’une liberté responsable.

Il faut ensuite garder bien présent à l’esprit que sans cette recherche de la vérité, chacun devient la mesure de soi-même et de son propre agir, ouvrant la voie à l’affirmation subjective des droits, de sorte qu’à la conception de droit humain, qui a en soi une portée universelle, se substitue l’idée de droit individualiste. Cela conduit à être foncièrement insouciant des autres et à favoriser la globalisation de l’indifférence qui naît de l’égoïsme, fruit d’une conception de l’homme incapable d’accueillir la vérité et de vivre une authentique dimension sociale.

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