Regarder l’homme comme un être relationnel

Parler de la dignité transcendante de l’homme signifie donc faire appel à sa nature, à sa capacité innée de distinguer le bien du mal, à cette « boussole » inscrite dans nos cœurs et que Dieu a imprimée dans l’univers créé ; cela signifie surtout de regarder l’homme non pas comme un absolu, mais comme un être relationnel. Une des maladies que je vois la plus répandue aujourd’hui en Europe est la solitude, précisément de celui qui est privé de liens. On la voit particulièrement chez les personnes âgées, souvent abandonnées à leur destin, comme aussi chez les jeunes privés de points de référence et d’opportunités pour l’avenir ; on la voit chez les nombreux pauvres qui peuplent nos villes ; on la voit dans le regard perdu des migrants qui sont venus ici en recherche d’un avenir meilleur.

Cette solitude a été ensuite accentuée par la crise économique, dont les effets perdurent encore, avec des conséquences dramatiques du point de vue social. On peut constater qu’au cours des dernières années, à côté du processus d’élargissement de l’Union Européenne, s’est accrue la méfiance des citoyens vis-à-vis des institutions considérées comme distantes, occupées à établir des règles perçues comme éloignées de la sensibilité des peuples particuliers, sinon complètement nuisibles. D’un peu partout on a une impression générale de fatigue et de vieillissement, d’une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante. Par conséquent, les grands idéaux qui ont inspiré l’Europe semblent avoir perdu leur force attractive, en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions.

Indifférence aux plus pauvres

À cela s’ajoutent des styles de vie un peu égoïstes, caractérisés par une opulence désormais insoutenable et souvent indifférente au monde environnant, surtout aux plus pauvres. On constate avec regret une prévalence des questions techniques et économiques au centre du débat politique, au détriment d’une authentique orientation anthropologique. L’être humain risque d’être réduit à un simple engrenage d’un mécanisme qui le traite à la manière d’un bien de consommation à utiliser, de sorte que – nous le remarquons malheureusement souvent – lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître.

C’est une grande méprise qui advient « quand l’absolutisation de la technique prévaut», ce qui finit par produire « une confusion entre la fin et moyens ». Résultat inévitable de la « culture du déchet » et de la « mentalité de consommation exagérée ». Au contraire, affirmer la dignité de la personne c’est reconnaître le caractère précieux de la vie humaine, qui nous est donnée gratuitement et qui ne peut, pour cette raison, être objet d’échange ou de commerce.Dans votre vocation de parlementaires, vous êtes aussi appelés à une grande mission, bien qu’elle puisse sembler inutile : prendre soin de la fragilité des peuples et des personnes. Prendre soin de la fragilité veut dire force et tendresse, lutte et fécondité, au milieu d’un modèle fonctionnaliste et privatisé qui conduit inexorablement à la « culture du déchet ». Prendre soin de la fragilité de la personne et des peuples signifie garder la mémoire et l’espérance ; signifie prendre en charge la personne présente dans sa situation la plus marginale et angoissante et être capable de l’oindre de dignité.

Comment donc redonner espérance en l’avenir, de sorte que, à partir des jeunes générations, on retrouve la confiance afin de poursuivre le grand idéal d’une Europe unie et en paix, créative et entreprenante, respectueuse des droits et consciente de ses devoirs ?

Pour répondre à cette question, permettez-moi de recourir à une image. Une des fresques les plus célèbres de Raphaël qui se trouvent au Vatican représente la dite École d’Athènes. Au centre se trouvent Platon et Aristote. Le premier a le doigt qui pointe vers le haut, vers le monde des idées, nous pourrions dire vers le ciel ; le second tend la main en avant, vers celui qui regarde, vers la terre, la réalité concrète. Cela me paraît être une image qui décrit bien l’Europe et son histoire, faite de la rencontre continuelle entre le ciel et la terre, où le ciel indique l’ouverture à la transcendance, à Dieu, qui a depuis toujours caractérisé l’homme européen, et la terre qui représente sa capacité pratique et concrète à affronter les situations et les problèmes.

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