Le conflit et la recherche d’une solution

Le conflit en Israël est posé sous la forme d’un contentieux dont les thèses sont rigides et contestée par les deux parties. Une solution à deux États est au cœur de l’initiative de paix arabe, avec la création d’un État palestinien indépendant et souverain (avec Jérusalem-Est pour capitale ?). Les Palestiniens veulent faire de la partie orientale de Jérusalem la capitale de l’État auquel ils aspirent. Toutefois, cette résolution doit permettre à Israël de rester en possession des terres, jusqu’à ce qu’elles aient « des frontières sûres et reconnues, exemptes de menaces ou d’actes de force ».

Un voyage d’étude et de témoignage

C’est sur ces bases qu’une initiative originale, en faveur de la paix en Israël, a été organisée : un voyage « inter-convictionnel » en Terre Sainte animé du côté catholique par Monseigneur Michel Dubost et Frère Louis-Marie Coudray, du côté juif par le rabbin Yann Boissière, organisateur de l’évènement, et du côté musulman par moi-même, Foudil Benabadji.

Il ne s’agissait pas d’un pèlerinage, mais d’aller à la rencontre des sociétés civiles dans leur diversité. De Ramallah à Jérusalem en passant par Bethléem, Tel Aviv, Jéricho ou Ra’ananna, le groupe composé de 63 personnes juives, chrétiennes, musulmanes et athées ont pu, de part et d’autre, s’entretenir avec des entrepreneurs, écologistes, diplomates, historiens et militants engagés pour ou contre la création d’un État palestinien en Cisjordanie.

Yann Boissière a précisé que « ce voyage est en adéquation avec le travail pédagogique inter-convictionnel que nous faisons en France pour rétablir le dialogue. L’importation du conflit israélo-palestinien est forte dans notre société. Or, tout conflit commence par un conflit de représentation. Nous n’avons pas le pouvoir d’agir sur ce conflit, mais nous pouvons agir sur ces représentations en témoignant de ce que nous avons vécu pendant ce voyage ».

Nous avons écouté, posé des questions et pris des notes. Actuellement, deux programmes se confrontent et parfois se chevauchent : la relance des négociations du processus de paix pour « une solution à deux États », et un processus d’intégration de ces populations palestiniennes sur le plan social.

Des deux côtés, les exposés des parties prenantes sont très riches ; les personnalités israéliennes et palestiniennes ont eu des discours très ouverts et francs. Cela a fait apparaître l’immensité des obstacles dans cette contrée.

Les freins à la paix

La solution à deux États est repoussée ad vitam ; le programme du gel de la construction des implantations n’est pas à l’ordre du jour. En ce qui concerne le statut des Arabes dans l’espace politique israélien, ces derniers sont divisés sur l’avenir de la coopération politique entre les partis arabes et juifs à la Knesset. Les Arabes, très nationalistes, ne peuvent pas s’entendre avec le nationalisme israélien.

Cette ère de division encourage l’islam politique dans cette région et met en danger la population d’Israël. Rien ne ressemble plus à l’enfer qu’un monde peuplé d’ombres vengeresses errant derrière l’âme d’un peuple. Cette menace n’est pas nouvelle, elle est dénoncée depuis plusieurs années. Les loups islamiques, les dormants, ces bombes humaines, naîtront régulièrement avec pour objectif d’attaquer des populations innocentes.

Les accusations sont réciproques :  colonisation, meurtres et incursions quotidiennes. « Nous voulons que cela s’arrête », clame-t-on des deux côtés. Les développements désastreux de ce conflit, en France et dans le monde, ont bien évidemment des conséquences au regard de la paix.

Une nouvelle spirale meurtrière peut s’enclencher à tout moment, en référence aux « évictions de familles palestiniennes, aux démolitions, à la politique de colonisation et de la construction du mur ». Ces faits éloignent toute possibilité d’un État palestinien vivant en paix aux côtés d’Israël.

Les histoires entendues, irrationnelles au regard de la paix, tout au long de notre séjour en Israël, nous interpellent : comment les Juifs situés entre deux mondes, deux sociétés, deux langues peuvent-ils être, de ce fait, autant appréciés que détestés ? Lorsqu’un enfant baigne dans un environnement où l’antisémitisme fait partie du quotidien, il y a de grands risques qu’il reproduise ce schéma.

Ce voyage d’études nous a aussi confronté à l’apartheid et aux checkpoints militaires. De leurs côtés, les Palestiniens espèrent toujours des concessions de l’État israélien. Mais aujourd’hui malheureusement, les Palestiniens font partie du décor au Moyen-Orient, ils ne sont ni des acteurs, ni des enjeux pour Israël. Ils sont spectateurs d’une histoire qui de nos jours, est vécue comme ubuesque : ils avaient, en effet, refusé ce que l’État d’Israël, il y a un temps, leur avait proposé. C’était un horizon politique possible, pour le peuple palestinien, qui ne lui reste plus qu’à ressasser lors de possibles autres projets de négociations.

Jérusalem et la Mosquée El Aqsa

Les graines d’espoir

Il est heureux toutefois que des associations telles que « Les Voix de la Paix » œuvrent avec beaucoup d’énergie pour la rencontre de ces deux peuples, face à des discours controversés de part et d’autre, pour vaincre des défis insurmontables tels que racontés. Les témoins n’invoquent pas la manière dont les identités se construisent. C’est sans doute à cet endroit que seul le dialogue entre Juifs et Musulmans arrivera à se construire. C’est en se plongeant dans cette efflorescence chargée d’une grande histoire qu’il est, malgré tout, possible de croire encore que tout n’est pas perdu. Encore faut-il se rendre compte de la réalité de la situation !

En conclusion, l’association : « Les Voix de la Paix », engagée après deux années de préparation, a effectué un voyage d’étude en Israël, dans une région troublée, ou la paix est suspendue entre les belligérants israéliens et palestiniens. Sur les 63 participants, nous avons regretté que seules deux personnes de confession musulmane, soient représentées.

Malgré des difficultés immenses, ce projet de coexistence est porté par le rabbin Yann Boissières, imprégné par le philosophe Emmanuel Levinas. Ce dernier, toute sa vie, s’efforce de porter sur l’Histoire un regard sans haine ni ressentiment. Pourquoi un tel projet de société serait-il utopique ?

Émile Moatti, dont j’étais l’un des proches, fut pour moi une expérience inoubliable qui m’enseigna que la paix et la réconciliation sont le fruit d’un labeur permanent fondé sur l’écoute d’autrui. Pour mieux conjurer les incompréhensions : « Rappelons les points communs de la Fraternité d’Abraham, entre les trois religions monothéistes, le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam », rappelait-il. Avec une très grande humilité, Émile toujours disposé à dialoguer, et à échanger sur son thème de prédilection dont il avait fait sa vocation. « Comment les hommes pourraient ensemble construire, sur le modèle du Patriarche Abraham un monde meilleur, un monde de paix où toutes les Familles de la terre pourraient se réconcilier et s’aimer véritablement ». Sa devise était : « Par toi Abraham, toutes les Familles de la Terre seront bénies » (Genèse 12 : 3).

De l’avis de l’ensemble des participants, ce voyage nous aura tous marqués et nous ne l’oublierons pas.

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