« On ne trouve jamais ce que l’on avait attendu au Liban,
mais c’est aussi bien que ce que l’on avait imaginé. »

Maya, Libanaise ayant grandi en France
et vivant actuellement à Tripoli

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Coucher de soleil sur la baie de Tripoli

Avant même de m’envoler pour le Liban, j’ai pu constater que la région de l’Akkar ne laisse pas les gens indifférents. Le gouvernorat s’étend sur 800 km², à 30 kilomètres au nord-est de Tripoli et 112 kilomètres de Beyrouth. Nombreux sont ceux, Européens ou Libanais, connaissant personnellement la région ou non, qui m’ont mise en garde contre son retard de développement et la prétendue rudesse de ses habitants. Il est vrai que le contexte économique n’est pas des plus réjouissants. D’après les statistiques onusiennes, 63% de la population vit sous le seuil de pauvreté et les taux de chômage et d’analphabétisme sont les plus élevés du pays. Sur le million et demi de réfugiés syriens au Liban, quelques 100 000 vivraient dans l’Akkar, où ils ont généralement entrés illégalement[1]. En me documentant sur cette région mal-aimée et livrée à elle-même dans une situation géographique délicate, j’ai spontanément pensé à Calais, où les candidats à l’émigration en Angleterre vivent dans des conditions extrêmement précaires. Dans les deux cas, c’est un tissu social déjà fragile qui est sollicité par des individus encore plus dans le besoin.

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Le monastère de Notre Dame de Nourie, sur le massif de Chekka, au Nord de Beyrouth

Sur le trajet de Beyrouth à Tripoli, j’ai pu confirmer certains clichés du Liban, tels que des embouteillages imprévisibles, la côte bleu azur ou les monastères et forêts de cèdres en haut des montagnes. Je ne saurais nier mon appréhension et une émotion croissante à la vue des panneaux de signalisation indiquant « Syria – سوريا » ou « Syrian border – الحدود السورية ». Malgré mon passeport en règle, j’ai également ressenti un certain malaise à la vue des innombrables militaires et au passage des checkpoints. Bien qu’intégrés au quotidien, les armes, barrages et treillis militaires sont pour moi synonymes de conflits armés tous proches ou imminents. Ils sont pour moi autant de rappels du cauchemar passé et présent des Syriens, que mon cerveau cherche instinctivement à reléguer dans un coin de ma tête. La pauvreté est visible aux habitats informels ou non finis et aux petits vendeurs de mouchoirs qui tentent de gagner quelques pièces le nez dans les pots d’échappements. La présence de réfugiés syriens est d’autant plus visible que beaucoup ont construit leur cabane avec des bâches du Haut-Commissariat des Nations Unies, au reconnaissable logo bleu et blanc.

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Thé et café, signes universels de convivialité et de bienvenue

A ma connaissance, l’Akkar est la seule région du Liban demeurée multiconfessionnelle, alors que les maronites, orthodoxes chiites et sunnites se sont majoritairement concentrés dans des régions définies. A mes yeux, ce métissage des clochers et des minarets, des croix et des hijabs est un beau symbole de coexistence dans cette modeste région. Notre village de Bqerzla en est une illustration toute simple : durant la guerre civile, ses habitants chrétiens ont recherché la protection de Palestiniens musulmans. Ayant partagé un café avec une famille voisine, j’ai appris que c’est dans leur imposante demeure qu’a alors séjourné cette milice défensive. Le Peace Center de R&R m’a accueilli comme un petit havre de paix et de douceur. Depuis deux ans et demi s’y succèdent des volontaires venus de tous les continents pour apporter leurs compétences d’enseignement ou de gestion de projet. Au fil des jours suivants, la beauté des paysages, la saveur des olives et la légèreté de nos plaisanteries me font souvent oublier que la Syrie n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de distance. Bien vite, j’espère faire ma place dans cet univers surprenant et digne, où il y a tant à vivre et à voir. Mais ceci est une autre histoire, dont je ne manquerai pas de vous faire part.

[1] Cf. UNHCR & REACH (July 2014): Lebanese Communities Hosting Syrian Refugees. Akkar Governorate, Assessment Report.

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