UNE RÉGION CHARGÉE D’HISTOIRE ENTRECOUPÉE DE FRONTIÈRES RÉCENTES

Devant cet enchainement de conflits imbriqués les uns dans les autres et se renforçant mutuellement, quelques tendances lourdes émergent, léguées par l’histoire. Rappelons d’abord qu’à l’exception de l’Egypte, de la Turquie et de l’Iran, aucun des états du Proche et Moyen-Orient actuel n’existait en 1914 : toute la zone faisait partie de l’Empire Ottoman, qui fut démembré à l’issue de la première guerre mondiale. De longue date les pays européens – Russie, Allemagne, Royaume Uni et France – s’autoproclamant « protecteurs des minorités chrétiennes et des lieux saints » berceau du christianisme dans une région très majoritairement musulmane – s’y livraient une lutte d’influence à laquelle s’invitèrent les États-Unis après 1918, le pétrole surabondant de la région attisant toutes les convoitises. Le Traité de Sèvres de 1920, remplacé par celui de Lausanne de 1923 complétant les accords Sykes-Picot de 1916 attribuait des zones d’influence au Royaume-Uni et à la France, cependant que la « Déclaration Balfour » de 1917 prévoyait la création d’un « Foyer national juif » dans la région. Il s’agissait en réalité de donner une reconnaissance légitime à une population, jusque-là réduite à l’état de « dhimmis », qui était établie depuis trois millénaires dans la région et qui, vers la fin du XIXe siècle sous l’empire ottoman, formait la proportion la plus importante, mais aussi la plus pauvre, de la bourgade de Jérusalem : 28000 sur une population totale de 435002. Depuis les années 1880 cette population autochtone s’était enrichie d’un flux de juifs fuyant les pogroms de Russie et installée sur des terres rachetées par de riches mécènes juifs de la diaspora, tel Sir Moses Montefiore à Jérusalem.

Entre les deux guerres l’Allemagne et l’URSS reprenaient pied dans la région, pour des motifs aussi bien stratégiques que commerciaux.

A l’issue de la Deuxième Guerre mondiale l’état d’Israël était créé, le 14 mai 1948, après le vote, le 29 novembre 1947, du plan de partage de la Palestine par les Nations Unies. Les états arabes voisins n’acceptèrent pas cette décision et cinq d’entre eux envahirent le nouvel état. Contre toute attente ce dernier repoussa les envahisseurs. La ligne du cessez-le-feu de 1949 délimita jusqu’en 1967 le territoire d’Israël – plus grand que le plan de partage de l’ONU – dans des frontières considérées comme « internationalement reconnues ». Les combats provoquèrent l’exode de quelque 600 000 Palestiniens, cependant qu’un nombre à peu près équivalent de Juifs, résidant depuis des siècles dans les pays arabes voisins furent obligés de les quitter en y laissant tous leurs biens. Les réfugiés juifs furent accueillis et intégrés dans le jeune état d’Israël (tels les 50 000 juifs du Yémen par l’opération « Tapis Volant »), cependant que les réfugiés palestiniens étaient installés dans des camps des Nations Unies dressés dans les pays limitrophes: ils y étaient hébergés, nourris et soignés et leurs enfants scolarisés, mais sans qu’aucune possibilité ne leur soit donnée de circuler ni de travailler dans les pays d’accueil, ni d’en acquérir la citoyenneté ; seule la Jordanie les avait intégrés et accordé sa nationalité. Partout ailleurs, l’illusion était délibérément entretenue que ces réfugiés pourraient un jour rentrer chez eux nourrissant ainsi un foyer de tensions avec Israël, véritable casus belli. Comparé au sort réservé aux « boat-people » de l’ancienne Indochine quelques décennies plus tard, on ne peut que juger très sévèrement la politique inconséquente pratiquée à l’égard de ces réfugiés palestiniens par la communauté inter- nationale: victimes d’une invasion par les pays limitrophes, rien n’a été fait pour les aider à se réinstaller et à repartir dans la vie: ils sont maintenant la troisième génération à vivoter dans des quasi-prisons, sans aucune autre perspective. L’abandon total de cette population, hors sa simple survie (et sa reproduction), par la communauté internationale tout entière est une faute inqualifiable, car cette population industrieuse et cultivée, aurait pu contribuer au développement des pays d’accueil, comme le font les Palestiniens dans les pays du Golfe. Il faut tout mettre en œuvre pour éviter que cette faute ne se répète avec les quelque cinq à six millions de réfugiés syriens et irakiens victimes des conflits contemporains.

En tout état de cause, le règlement définitif du conflit Israël/Palestine devra comporter un avenir pour cette population sous forme d’une insertion dans des pays d’accueil, dans la région et ailleurs, avec le soutien des Nations Unies, à l’instar de ce qui avait été fait pour les « boat-people ». Rappelons que sur près de 2 000 000 de réfugiés fuyant le Vietnam entre 1978 et 1990 – dont 800 000 par mer, les « boat-people » – tous furent réinstallés: les 250 000 Hoa (Chinois du Vietnam) en Chine ; la moitié des autres dans les pays voisins, le restant aux Etats-Unis, au Canada, en Europe et en Australie.

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