L’arrivée de l’été, la fête de la musique, la perspective des vacances…..cette ambiance de liesses, de joies familiales bien légitimes, à peine ternies par des grèves dont la finalité est de moins en moins évidente, profitons-en pleinement.

En même temps – pour reprendre une phrase à la mode – restons sensibles et attentifs à ce qui se passe autour de nous.

Le drame des migrants qui fuient les guerres au Proche-Orient, la sécheresse ou la pauvreté en Afrique, pour trouver refuge en Europe. Nous-mêmes en France, tout comme nos voisins européens, sous la pression des sentiments xénophobes d’une partie de nos populations, nous cherchons à refiler ces étrangers gênants à nos voisins. Le drame de l’Aquarius en fournit une éclatante démonstration.

Il ne s’agit pas ici d’une faillite des institutions européennes, mais bien d’une responsabilité directe de nos gouvernements nationaux respectifs qui décident combien d’immigrants étrangers (venant d’en dehors de l’Union Européenne) ils sont prêts à accueillir. La liberté de circulation pour les citoyens de l’UE reste pleine et entière, mais qu’en est-il lorsqu’un étranger à l’UE a été accueilli et enregistré dans un de nos pays :  a-t-il la même liberté de circuler que les citoyens de l’UE ? Il semble bien que non à en juger par le nombre de migrants accueillis en Italie et refoulés ensuite à Vintimille ou dans les Alpes par les autorités françaises. Nous épinglons volontiers la Hongrie,  l’Autriche ou encore la Pologne pour leurs dérives  préoccupantes concernant les libertés publiques et pour leur politique discriminatoire vis-à-vis des réfugiés, mais il convient d’abord de balayer devant notre porte en la matière. Signalons, au sujet de la politique à l ‘égard des réfugiés, la politique proposée par le Président Macron dans son discours aux Protestants de France, lors du 500è anniversaire de Luther, que nous reproduisons dans notre N° 178 du juin.

Nous avons évidemment besoin, à l’échelle européenne, de mieux nous concerter pour répondre globalement et de manière concertée à un phénomène qui va s’amplifier, sous l’effet de la désertification en Afrique, même après qu’auront cessé les guerres au Proche-Orient – perspective dont la réalisation est encore fort éloignée.

Au Proche-Orient précisément, l’UE brille par son absence, alors que si elle agissait collectivement elle pourrait vraiment faire le poids sur le terrain. En France on se focalise à l’excès sur le conflit Israël-Palestine et tout particulièrement sur Israël, ainsi qu’on a pu le constater à propos de Gaza, alors que les massacres de civils en Syrie par Assad, la Russie et l’Iran passent inaperçus, tout comme le drame humanitaire de grande ampleur due à la guerre au Yémen.

Comme le rappelle Frédéric Encel :

« la guerre en Syrie  a déjà fait trois fois plus de tués et dix fois plus de réfugiés en six ans que les guerres israélo-arabes en soixante-dix ans, toutes violences confondues »[1].

Autre grand oublié dans les conflits du Proche Orient, le peuple kurde de 40 millions de ressortissants, écartelé entre quatre pays, Turquie, Iran, Irak et Syrie.

Aucun d’entre eux ne souhaite voir se former un état kurde autonome, qui les priverait de territoires et de ressources pétrolières[2].

Les Kurdes sont divisés entre eux, mais en Irak comme en Syrie ils se sont révélés les plus vigoureux opposants à Daech et s’efforcent de se constituer en régions autonomes dans ces deux pays qui pourraient survivre à la guerre en se constituant en états fédéraux. Mais ni les gouvernements actuels de ces pays, ni la Turquie, ni l’Iran n’envisagent cette éventualité. Dès la résolution du conflit Israël-Palestine – à laquelle œuvrent l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et les Etats Unis (pour opposer un front uni à l’expansionnisme de l’Iran) – le conflit latent éclatera autour de l’avenir du peuple kurde.

La seule parade à cette poursuite des conflits aux Proche et Moyen Orients serait un engagement fort de l’Union Européenne dans la reconstruction de toutes les régions dévastées par les guerres tout en incitant les pays concernés à s’organiser en un espace économique commun.

Ce n’est pas une utopie. L’exemple de l’Europe – qui a connu des siècles de guerres de religion et de guerres entre nations de plus en plus meurtrières – est là pour démontrer qu’il a été possible de dépasser ces antagonismes séculaires et de construire un espace de paix et de prospérité sur notre continent.

A l’issue de la deuxième guerre mondiale si meurtrière ce dépassement a commencé par la reconstruction de régions entières dévastées, la réinstallation de leurs populations déplacées et, simultanément, le développement d’activités économiques en commun – Communauté Charbon-Acier (CECA) 1951, Communauté économique européenne (CEE) 1957, Parlement européen 1979, Monnaie Unique 2002 –  offrant aux populations des emplois et une perspective d’avenir, donc l’espoir d’un avenir meilleur.

Pour le Proche et Moyen Orient le rôle de l’Union Européenne toute proche est capital : forte de son expérience mais aussi de ses ressources et de son potentiel industriel, scientifique et technique, elle peut entrainer toute la région – prisonnière de ses conflits et de ses haines recuites – vers la reconstruction, le développement et la paix.

En rappelant aussi au monde entier que c’est de sa ville symbole, Jérusalem, qu’est venu le message d’amour fraternel et de paix, celui-là même qui est inscrit au fronton de l’immeuble des Nations Unies à New York :

Il exercera son autorité sur les nations
Et sera l’arbitre de peuples nombreux,
Qui de leurs épées forgeront des socs
Et de leurs lances des faucilles.
Les nations ne lèveront plus
L’épée l’une contre l’autre
Et l’on ne s’exercera plus à la guerre[3].

Et rappelons le verset qui le précède immédiatement:

Des peuples nombreux viendront et diront :
Venez à la montagne de l’Éternel,
Allons à la Maison du Dieu de Jacob,
Pour qu’il nous enseigne ses voies
Et que nous suivions ses sentiers.
Car de Sion vient la Loi
Et de Jérusalem la Parole d’Adonai.

Edmond A. Lisle
18 juin 2018, date symbolique dans l’histoire de notre pays.

[1] Frédéric Encel : « Le grand enjeu du Proche-Orient est la guerre froide entre sunnites et chiites ». FigaroVox/Grand entretien, 14 janvier 2018.
[2] Olivier Piot : Le peuple kurde, clé de voûte du Moyen-Orient, Les Petits Matins, Paris 2017, 222 pages.
[3] Isaïe, Chapitre II, verset 4.

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